QUATREMÈRE DE QUINCY

QUATREMÈRE DE QUINCY
QUATREMÈRE DE QUINCY

QUATREMÈRE DE QUINCY ANTOINE CHRYSOSTOME QUATREMÈRE dit (1755-1849)

«Esprit supérieur, que la France n’apprécia pas assez de son vivant, que la jeunesse vers la fin insultait à plaisir, qui ne s’appliquait point en effet à plaire, et qui ne craignait point du tout de choquer ou même de braver son public et son temps: espèce de Royer-Collard dans sa sphère, ennemi aussi de la démocratie dans l’art, mais non point respecté comme l’autre, et qui semblait même jouir de son impopularité» (Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis , t. II). L’actuelle curiosité pour l’art néo-classique a justement fait sortir le nom de Quatremère de Quincy d’un trop long purgatoire où les défenseurs du romantisme, d’abord, puis ceux du modernisme à la fin du XIXe siècle l’avaient relégué. Non pas qu’il fut tant artiste lui-même, mais philosophe de l’art, écrivain et homme politique influent dont le rôle a marqué la vie artistique française et européenne tout au long d’une carrière publique particulièrement féconde (1787-1839).

Entré en 1772 dans l’atelier du sculpteur Guillaume Coustou, Quatremère de Quincy s’initie à l’art de la statuaire, déjà orienté par les sculpteurs de la fin du règne de Louis XV vers un idéal de beauté «à l’antique». Un premier séjour en Italie (1776-1780), où il voyage de Rome à la Sicile en passant par Naples, lui permet de s’imprégner d’art hellénistique. Familier du milieu romain d’artistes et d’amateurs qui propagent les nouvelles idées artistiques et archéologiques héritées de Winckelmann et de Caylus (Mengs, Piranèse, Bottoni, Volpano), Quatremère fréquente les artistes de l’Académie de France à Rome. Découvrant les beautés des vestiges archéologiques avec le peintre Jacques-Louis David, il incite ce dernier à orienter son style vers une exactitude, une simplicité et une pureté toutes sculpturales. Mais c’est lors d’un second séjour en Italie (1783-1784) qu’il se lie d’amitié avec le jeune sculpteur Canova dont il deviendra une sorte de guide spirituel et artistique. Subjugué par les dons de Canova, conscient de la valeur de David, et pressentant chez beaucoup de jeunes artistes qui fréquentent alors l’Académie de France un talent supérieur, Quatremère de Quincy, à son retour en France, abandonne la pratique pour se livrer à un véritable apostolat des arts à travers l’action politique et littéraire. En 1787, une commande de Charles Joseph Panckoucke, l’éditeur de l’Encyclopédie méthodique , lui donne l’occasion d’entreprendre un ouvrage d’envergure: le Dictionnaire d’architecture , où il se fait reconnaître d’emblée comme l’un des théoriciens les plus éclairés de son temps. Sa collaboration aux plus célèbres journaux de l’époque (Le Journal de Paris , Le Mercure de France , Le Moniteur universel ) permet de diffuser dans un public nombreux une esthétique fondée sur un respect et une imitation sans partage de la beauté absolue: celle des antiques. Aucun domaine culturel et artistique n’échappe désormais aux réflexions de Quatremère. Ses responsabilités politiques successives lui donnent une audience exceptionnelle. Représentant de la Commune de Paris (1789-1790), il y lit, par exemple, un discours fort remarqué sur La Liberté des théâtres . Député de l’Assemblée nationale, ami de Danton, membre du comité d’Instruction publique (1791), Quatremère se partage avec David, Condorcet, Debry et Romme, les interventions, projets de lois et décrets concernant l’organisation des arts et de l’instruction publique du nouveau régime. Plusieurs fois inquiété (il est emprisonné sous la Terreur en 1794, puis exilé en Allemagne), il ne voit cependant pas son influence baisser. Dans ses sept lettres au général Miranda (1796), il conteste vigoureusement la politique qui consiste à saisir les chefs-d’œuvre de l’art dans les pays occupés par la France pour les rassembler à Paris. Député aux Cinq-Cents sous le Directoire, nommé par deux fois secrétaire du Conseil général de la Seine, il prend une part active, parfois déterminante, aux décisions prises pour l’embellissement de Paris. Membre de l’Institut depuis 1804, entretenant des liens amicaux avec les meilleurs artistes de l’époque, il apparaît comme le théoricien officiel d’une doctrine institutionnalisée, comme le meilleur exégète d’une esthétique fondée sur l’imitation et l’absolue nécessité d’un classicisme uniforme voué à l’idéal moral et civique de l’État. Révolutionnaire très modéré, soumis pendant l’Empire, Quatremère adhère pleinement au régime de monarchie constitutionnelle de la Restauration. Il accède alors aux postes les plus influents de sa carrière: secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts (1816-1839), membre du Conseil honoraire des musées, membre du comité du Journal des savants , professeur d’archéologie près la Bibliothèque du roi (1820); il est à nouveau élu député de Paris (1820-1822). Ses activités le placent au centre de la création de l’École des beaux-arts où ses théories sont professées, tandis que ses directives atteignent les élèves de l’Académie de France à Rome (pendant les importants directorats de Vernet et d’Ingres) et qu’il participe avec une égale autorité au jury des Salons. C’est ici, néanmoins, que son influence et son rôle furent le plus tôt contestés, alors que la jeune école romantique, à laquelle il s’opposait farouchement, connaissait ses premiers triomphes. Face à un Delacroix, face au succès du nouveau style troubadour, et, bientôt, au développement du néo-gothique, Quatremère de Quincy apparaissait comme le dernier garant du vrai style fondé sur l’interprétation de l’archéologie scientifique et l’imitation inconditionnelle des Anciens. Le néo-classicisme de Quatremère, qui diffère sensiblement du goût romain moralisateur et triomphant de l’école de David, mais aussi du naturalisme d’un Houdon ou d’un Prud’hon, a trouvé dans le génie de Canova l’expression parfaite de ses ambitions de pureté absolue et d’idéal spirituel. Pour Quatremère l’archéologie détermine un seul point de vue esthétique. C’est ainsi qu’il préconise, avant Hittorff, la polychromie, et le genre colossal en statuaire; qu’il soutient les peintres de grandes décorations murales (Meynier, Abel de Pujol), suit de près l’exécution des nouvelles statues équestres de Paris et de Lyon (dues notamment à ses amis Lemot et Bosio). Et en architecture, épris d’un rationalisme expressif qui puise souvent sa source dans l’esthétique d’Alberti et de Palladio (premiers imitateurs de l’Antiquité), il propage les idées de ses amis Legrand et Durand, architectes et théoriciens, dont la pensée imprègne le tout-puissant Conseil des bâtiments de l’Empire puis du royaume. Parmi une très grande quantité d’œuvres, de monuments ou de travaux d’embellissement dans Paris, qui furent directement inspirés ou supervisés par lui, l’œuvre la plus directement personnelle de Quatremère (en marge de certains programmes de fêtes révolutionnaires) fut sans conteste la transformation de l’église Sainte-Geneviève de Soufflot en Panthéon civique (1791-1793). L’art (et plus spécialement la sculpture des bas-reliefs), véritable instrument de l’instruction publique, trouvait dans ce monument un vaste terrain d’application, dont la IIIe République se souviendra encore un siècle plus tard. Parmi les innombrables écrits de Quatremère de Quincy, citons les plus célèbres: Dictionnaire d’architecture , in Encyclopédie méthodique (3 vol., 1788-1825); Considérations sur les arts du dessin en France... (1791); Lettres à Miranda sur le déplacement de l’art des monuments de l’Italie... (1796, rééd. Macula, Paris, 1989); Lettres [...] à M. Canova sur les marbres d’Elgin (1818); Histoire de la vie et des œuvres des plus célèbres architectes, du XIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe siècle (1830).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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